dimanche 15 mars 2015

massacre 31



Résumé : écarter la tisane, elle est comme l'eau, elle fait écrire mou.
_ Cher Louis, cher ami,ainsi débutait la lettre, je suis bien arrivée à destination. Le voyage a été long et la mer n'a pas été toujours d'huile.

Comment allez-vous mon ami ? Bien j'espère. J'ai trouvé ici un travail, je garde un troupeau de chèvres, c'est pittoresque. Autour de moi les montagnes sont belles à hurler. Mais il pleut beaucoup ici. On n' étouffe pas, entre 0 et 15 °. On se chauffe au bois de cyprés, la maison embaume. Cela vous enchanterez j'en suis sûre.

Les gens qui habitaient là jadis s'appelaient les Alakalufs, c'est un joli nom, n'est-ce pas ? Ici l'on chasse le lion de mer. Sa viande à un goût prononcé de poisson, mais avec une structure de veau. Enfin, à peu près... j'essaye de vous donner une idée de ce que cela peut-être. On pêche de l'achigan, des palourdes, des oursins, des crabes. Je mange bien rassurez-vous. Vous vous souvenez que vous me grondiez parce que je ne finissez jamais mon assiette ?

Vous dirais-je assez mon immense gratitude. Vous m'avez accueillie aux heure sombres et tristes. Vous m'avez hébergée. Vous m'avez cachée, nourrie, choyée. Savez-vous que je n'avais pas été l'objet d'une semblable attention depuis des décennies ? Votre tendresse amicale me manque ici. Vous me manquez Louis. J'aimerais vous voir le soir quand je rentre dans ma cabane de bois et de terre, je vous imagine là au coin du poêle. Vous souriez tout le temps. Et nous parlons longuement des anarchistes espagnols que vous avez bien connus, Buenaventura Durruti mort accidentellement en sortant de sa voiture je me souviens que vous m'avez dit : « il n'avait pas mis la sécurité de son arme, le coup est parti en pleine tête », de Francisco Ferrer le pédagogue libertaire dont vous me disiez qu'une rue de Thouars porte le nom. Nous parlerions de votre ami Marcel *. Et aussi de Buchenwald où vous avez vécu l'atroce de l'humain et la fraternité à nu avec votre ami Luigi. Transmettez lui mon amicale affection. J'ai tant aimé quand il me venait me divertir, me faire rire avec ses histoires de rapine, et jouer du flamenco dans votre cave.

Voyez-vous toujours votre ami Balthazar ? Est-il toujours aussi bizarre ? Je l'aimais bien aussi.

Je ne regrette rien savez-vous. Je suis allée au bout. J'ai vécu mes propres tourments. Je m'apaise. Je suis presque tranquille. J'ai adopté un nouveau chien il s'appelle Makhno parce qu'il n'est pas très obéissant.

Je vous embrasse, ne m'écrivez pas hélas, je redoute la curiosité des renseignements généraux, je crois qu'ils ne vous laisseront jamais en paix.


Suivait la signature et un lieu

                           Carlota à quelques kilomètres de Puerto Edén

Balthazar s'effondra en larmes sur le lit.

_ Carlota ! Carlota ! Mais alors ???**

*(Lire le secret de Marcel et Marcelle Marcel dans « Chroniques Noires à Thouars », Geste éditions).

** Lire aussi "Calibre" où apparaît Carlota  à cette adresse, à la date du 9 septembre 2013 : http://sapristibalthazar.over-blog.com/tag/le%20feuilleton/5

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