mercredi 18 mars 2015

massacre 35



35
Résumé : On a bu un alcool de Pascal Gabilly, il travaille à Massais, ça vaut le coup d'aller le voir !


Le temps passa mollement. Ludivine qui n'avait jamais été une bonne journaliste devint tout à fait fade, inodore, incolore et sans saveur. Sa rubrique lui ressemblait. Et en plus comme elle n'avait pas d'amant, pas même un coup d'un soir, elle se fanait. Sa rubrique aussi. Il est curieux de constater que souvent, comme le vin ressemble au vigneron, une rubrique de journal ressemble à son journaliste. Imaginez un franc buveur, joyeux, rieur et moqueur ; sa rubrique sera vive, un peu hasardeuse parfois, impertinente souvent. Imaginez un journaliste retors et aigre sa rubrique sera tordue et un peu rance. Donc Ludivine agissait sans envie, sans imagination. Elle fermait tôt la rédaction, quittait vite les vins d'honneur, on n'avait jamais vu cela à Thouars de mémoire de Thouarsais. Et les gens passèrent à autre chose. Ils s'habituèrent à cette glaciation, en se disant que Balthazar exagérait certes, mais que de son temps c'était quand même autre chose. N'empêche violer une gosse et l'achever à coups de couteau il fallait être un monstre. Un monstre que personne n'avait vu grandir à côté de soi. Et ce reproche chacun préférait l'enfouir au plus profond de son âme en se disant que d'une certaine manière ce journaliste n'avait jamais été bien clair. D'où venait-il d'ailleurs ? Personne ne le savait ? Avait-il seulement jamais eu une famille ? Et surtout où avait-il filé ? Sa fuite était bien la preuve de son crime. A tout prendre il valait mieux un journaliste moutonnier à un journaliste prédateur. La mode, en plus, était à ce style de presse dont le mot d'ordre était : pas de vague ! Que les élus soient contents et que les annonceurs soient heureux ! Les lecteurs mangeront bien la soupe qui leur sera servie du moment que la rubrique des faits divers soient bien garnies. Et elle l'était avec la bande Ichon, Single et Fit à la barre. Pas un vol de poule sans une mention et un communiqué sur ces tziganes qui vivent de rapine. Pas un vol de mobylette sans une diatribe contre les immigrés qui préfèrent trafiquer que travailler. Bon arrêtons-là, rien que d'écrire ces choses la nausée monte.

Balthazar attendait comme un rat et le poème de Baudelaire même ne parvenait plus à le sortir de sa torpeur :

Enivrez-vous
« Il faut être toujours ivre, tout est là ; c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous! (…) il est l'heure de s'enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise. »

Le temps justement était devenu un infernal fardeau.

Un soir Luigi qui était de visite annonça :

A SUIVRE KUNDI... non MUNDI... non LUNDI !

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