dimanche 2 août 2015

La jouissance du monde 28 (II)





Il a dit de ne pas s'inquiéter, qu'ils allaient travailler, qu'il écrirait. Ici on n'a jamais reçu de lettre "je me débrouillerai, vous savez bien que je suis débrouillard".
Je vois Lipaz aussi souvent que possible. Nous nous asseyons au pied du mur, nous nous tenons la main. On s'embrasse furtivement quand on se quitte. Comme nous tous, elle est inquiète. Des fois, quand les SS n'ont pas leur compte parce qu'un célibataire, ou un inconscient, ne s'est pas présenté à la convocation, ils prennent n'importe qui au hasard. Elle a peur d'être ainsi emportée, et l'autre jour elle a dit " j'ai peur qu'ils t'enlèvent aussi" c'est la chose la plus gentille 
que j'ai entendue 
depuis un an !
Et cela m'a fait pleurer.
Le ghetto pourtant ne se vide pas, ce qui part d'un côté, un autre côté le remplit.

C'est bien d'une certaine manière parce que les nouveaux ont apporté à manger avec eux, et comme ils n'ont pas encore trop manqué, ils sont encore un peu généreux.
Des petits enfants très malins ont fait une sorte de tunnel sous le mur, ils sortent par là et rapportent des patates sous leurs nippes. Ah les pirates, ils sont drôles et rusés. On les appelle "les petits rats du ghetto".


Je les aime bien. Je fais le guet pour eux, ils me donnent des pommes de terre en échange.
(A SUIVRE)

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