lundi 10 août 2015

La jouissance du monde 33 (II)









Lorsque je suis sorti de ma tombe mouillée j'avais faim. Sur le sable de l'étang je vis les traces de plusieurs chevaux. Elles étaient claires. Ils étaient liés les uns au autres. Amogh était passé là, il me cherchait.

Je courus sous les fougères. Au soleil la vase séchait. J'étais tout à fait sauvage. Je creusais le sol tiède. Je mangeais des poignées de vers de terre.. et je hurlais. Je divaguais ainsi plusieurs jours. Une fois, au loin, je vis Amogh, très loin, qui se dirigeait droit sur moi. Mais à mi-chemin, par lassitude, il fit halte, renifla l'air longtemps... Puis il fit demi-tour. Et s'éloigna vers les montagnes. Il allait passer ses quartiers d'hiver dans la neige ainsi que nous en avions convenu naguère. Il abandonnait ma piste.

Une atroce et sublime solitude m'accabla. Le long de l'étang j'avais trouvé des restes de poisson laissés là par quelque oiseau. Je confectionnais des hameçons avec les arêtes et avec mes cheveux devenus longs je pêchais quelques ablettes que je mangeais crues. Je dormais dans des fonds de mousse. Avec des fibres d'écorces je composais des collets, j'attrapais des rongeurs que je dévorais sans les cuire. J'allais nu, libre absolument, vif et heureux, sans aucune attache, désireux de mourir.

( A suivre)

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